HOMMAGE AU PROFESSEUR JEAN-JACQUES GLOTON

Publié le par Gérard Monnier

Aix-en-Provence

Institut d'art


8 décembre 1990


Hommage au Professeur Jean-Jacques Gloton


Faute de manier convenablement la rhétorique, dont j'ignore trop les charmes et qui donc ne me distribue pas avec générosité ses fleurs, permettez moi de dire à ma façon tout ce que m'inspire ce moment qui nous réunit autour de Jean Jacques et de Marie Christine Gloton.


C'est d'abord votre venue dans les années soixante à Aix. Bien entendu, il y a, auparavant, tout un itinéraire, de l'Ecole Normale de la rue d'Ulm, à l'Institut d'art de la rue Michelet et à L'Ecole Française de Rome et à ses palais, toutes choses qui parlent déja de lieux urbains, de monuments, brefs, d'architecture. Que vous traversez encore en nomades, des nomades élus, que j'imagine un peu avec les yeux de Jules Romains. Au fond dans ce temps d'avant la Provence, je vous vois, Jean-Jacques, comme le Jerphanion de l'Histoire de l'art, que vous auriez été tout à fait, si tout au moins Jules Romains, cet amoureux des villes, de Paris et de Rome, de leurs paysages, avait imaginé l'existence de ce qui se tramait sous ses yeux ; dans la vieille université était en effet en train de naître, à côté de quelques autres sciences sociales et plus ou moins humaines, l'histoire de l'art et de l'architecture ; au temps des amateurs allait succéder le temps des connaisseurs, et sous la houlette d'André Chastel commençait l'envoi sur les terres lointaines, du point de vue du quartier latin, de toute une génération de missionnaires.   


Heureuses années soixante. Vous arrivez à Aix dans une Université en plein décollage, où la plupart des enseignants ont moins de quarante ans, où tout est à faire, à organiser, à développer, où les étudiants sont encore peu nombreux, et où des doyens avisés et lucides, je pense au doyen Guyon, sont capables de penser le développement universitaire en termes d'extension des champs de la connaissance, sans la pression que nous connaîtrons plus tard en termes de débouchés, de formation finalisée, etc . 


Commence pour vous et la création d'un territoire scientifique, l'architecture et les arts de la période classique, avec tout un champ de découvertes régionales devant vous, et la conquête d'un  territoire, celui plus difficile, qui se mesure en mêtres carrés, en équipements.  


Dans un premier temps, ce territoire est modeste : une armoire en bois, dans l'angle d'une salle de cours qui est un préfabriqué, une armoire où vous posez l'embryon de la future bibliothèque, à un moment où commence en France l'essor de l'édition du livre d'histoire de l'art ; les Lettres, comme on disait alors, sont logées avec le Droit, dans une sorte de cohabitation incestueuse, et, en ce temps de désordre, vous partagez peut-être même un bureau avec des historiens, dans les étages de l'actuelle Fac de droit ; et bien que les étudiants se comptent sur les doigts des deux mains, la licence d'histoire de l'art se constitue, nous sommes bien loin des normes d'aujourd'hui et des terreurs du GARACES, et avec la licence s'établit une primitive version de la section d'histoire de l'art. 


Faut-il faire état de votre prestige d'enseignant ?  Vous apportez beaucoup à un public qui n'est pas celui de tout jeunes étudiants : vous traitez des questions neuves, le XVI° siècle italien, l'architecture du maniérisme, l'architecture classique à Aix, l'architecture du XX° siècle ; vous apportez une précision inédite dans l'analyse, vous montrez des choses inconnues (la distribution d'un édifice), que vous dessinez au tableau (comme Hautecoeur apparait poussiéreux et convenu),et puis vous maniez avec virtuosité ce qui alors est une rareté technique, la projection des dias sur un écran. Vous avez alors une satanée avance, vous commencez à toute allure à photographier le vaste monde, Foca Universel à la main , et que vous utilisez aussi (j'imagine les heures passées) pour la reproduction de documents, ce qui dans ces temps éloignés où les apareils réflex ne sont pas encore courants, est une performance. Avec vos dias, cher Jean Jacques, vous nous en mettez alors, permettez moi ce terme trivial, "plein la vue".


Pour la bonne cause : aujourd'hui où plus que jamais s'ouvrent les archives de l'architecture, et où quelquefois on constate la dérive d'enquêtes d'archives qui parviennent à écarter l'histoire de l'architecture de celle des édifices réels, au profit d'une histoire des projets, d'une histoire d'une architecture en papier.

Publié dans Publications & travaux

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