OUVRAGES SOUS PRESSE : “L’ÉDIFICE, INSTRUMENT DE L’ÉVÉNEMENT : UNE PROBLÉMATIQUE”

Publié le par Gérard Monnier

CirqueSoleilCahiers Thématiques nº 8-2008, EA Lille (sous presse)




G. Monnier L’édifice, instrument de l’événement :

une problématique



Résumé


La relation intrumentale de l’édifice avec le concept d’événement est diverse et complexe. L’édifice est soit l’agent d’un événement historique, soit un événement reconnu comme tel dans l’histoire de la vie des formes, i.e. le domaine architectural. Je propose d’ajouter une troisième catégorie, celle de l’édifice-instrument d’une création culturelle reconnue comme événement. Les édifices, dans leurs rapports à l’événement, ont été longtemps des instruments de la représentation symbolique et des supports de l’information. Le développement rapide des industries du divertissement ouvre un nouveau chapitre : l’édifice peut devenir le rouage principal d’une machine à divertir par des événements. 



L’EDIFICE, INSTRUMENT DE L’EVENEMENT :

UNE PROBLEMATIQUE


Je formule l’hypothèse que la relation intrumentale de l’édifice avec le concept d’événement est diverse et complexe. C’est une chose que l’édifice soit l’agent d’un événement historique, c’en est une autre  que l’édifice soit un événement reconnu comme tel dans l’histoire de la vie des formes, en l’occurrence dans le domaine architectural. En appliquant à l’édifice-événement les catégories définies par Riegl pour les monuments, Henri Focillon avait en son temps déjà formulé cette répartition de l’événement architectural en deux entités distinctes (1). Je propose d’ajouter une troisième catégorie, celle de l’édifice-instrument d’une création culturelle forte, reconnue comme événement. Il arrivera que, pour un édifice donné, l’appartenance à plus d’une de ces catégories soit effective ; ainsi le Palais des papes a été à la fois l’instrument de la papauté en Avignon, et l’instrument d’une série d’événements dans la création théâtrale au XX ème siècle (2) Ces chevauchements, comme on sait, étaient déjà admis par Riegl pour les catégories des monuments. 


L’édifice, instrument de l’événement historique. 


L’édifice et l’événement localisé. La plupart des événements que la chronique et l‘histoire mentionnent sont localisés ; au point que le nom du lieu désigne l’événement, et c’est lui qui entre dans la légende des siècles : ainsi Roncevaux, Azincourt, Waterloo, Trafalgar, Auschwitz, Cap Canaveral, tout comme le sacre des rois de France à Reims, les traités de Vienne et de Versailles. Seuls échappent à cette localisation les épisodes accidentels survenus en haute mer (le naufrage de La Méduse, celui duTitanic) et les disparitions d’avions, encore que les naufrages en vue des côtes soient localisés, par le truchement des marées noires et des dégâts locaux qu’elles provoquent. Il arrive que cette localisation de l’événement historique se resserre sur la désignation d’un lieu précis : la Fête de la Fédération sur le Champ de Mars, et souvent même sur un édifice, au point que celui-ci est mentionné dans les termes qui désignent l’événement  : 


-le serment du Jeu de Paume

-la tragédie du Vel d’Hiv,

-celle du métro Charonne, 

-le mur de Berlin.


L’édifice peut être banal, et son identification approximative, mais il devient monument de fait (3) ; il devient alors disponible pour fixer la commémoration, dans la forme de manifestations, de représentations. Le cas échéant, la commémoration de l’événement résiste à la disparition éventuelle de l’édifice, comme le montrent les prises de parole sur le site du Vel d’Hiv, la commémoration de la reddition de von Scholtitz à la gare Montparnasse. Dans ce cas l’existence de l’édifice se déplace sur le mode verbal. La mention de l’édifice, conservé ou non, est un instrument de la nomenclature historique de l’événement. Sur un mode un peu différent, faisons une place à l’édifice ou au site instrument des rituels symboliques ; les uns ont disparu : les places royales, vestiges monumentaux de la mise en scène de l’information des sujets dans la société d’Ancien régime (4) ; les autres sont les empreintes virtuelles d’événements qui ont leur place dans la chronique, comme les funérailles de Victor Hugo, de l’Etoile au Panthéon, l’occupation de l’Odéon en 1968, la cérémonie funèbre dans la cour du Louvre en l’honneur de Le Corbusier, et l’hommage de Mitterrand au Panthéon, en mai 1981


La représentation de l’événement, fixée dans un édifice commémoratif spécialisé. Le monument commémoratif intentionnel fixe un lieu symbolique,  distinct de la localisation des événements de référence. Il peut être porteur de la mémoire d’un ou plusieurs événements : dans le même lieu, l’Arc de Triomphe de l’Etoile à Paris, est successivement le monument commémoratif des armées napoléoniennes et le monument au Souvenir de la Grande Guerre symbolisée par la tombe du Soldat inconnu ; les monuments aux morts, en particulier, sont les instruments de la production de l’événement symbolique, objet de représentations importantes et renouvelées. Bref, c’est tout une tradition déjà puissante à Rome, qui est celle de la monumentalité historique, celle de l’édifice, comme on dit aujourd’hui, dédié. L’édifice monumental est alors l’instrument direct de la commémoration de l’événement (5). 

Son importance dans la mémoire collective peut être amplifiée lorsqu’il est un des moteurs de la monumentalité urbaine des villes et des capitales :  Arc de triomphe de l’Etoile à Paris, monument aux Girondins à Bordeaux, Trafalgar Square à Londres . 


L’édifice, un événement dans la vie des formes ;


Là encore, on suit le découpage des catégories admises par Riegl pour les monuments (6) . Les édifices-événements de ce point de vue sont ceux que l’histoire de l’architecture comme art retient et célèbre ; ce sont d’une part les édifices-manifestes, qui sont intentionnels, et d’autre part les œuvres pionnières (pour une ou plusieurs raisons) dont les historiens affirment l’importance absolue ou relative. 

Notons que l’importance donnée à la représentation par les acteurs du tribunal de l’histoire (de l’art) conduit à réduire l’importance donnée à l’identité matérielle de l’œuvre. En fait, on constate que, l’œuvre une fois inscrite aux cimaises d’un musée imaginaire, les différences de l’identité matérielle tendent à se réduire, à confondre l’édifice temporaire et perenne, l’édifice réalisé et le projet ou l’étude :  de ce point de vue les manifestes sont aussi bien  l’étude pour Une Cité industrielle, de Tony Garnier, les documents de l’exposition du plan Voisin ou la villa Savoye de Le Corbusier, réunis par l’unité dans l’intensité et dans l’étendue de la réception. Notons aussi que la reconnaissance de la valeur artistique-historique est plus ou moins déconnectée de la valeur d’usage, dans une sorte de dérive qui réduit l’importance pratique et sociale de l’édifice-événement. Ainsi le musée Guggenheim de Bilbao peut-il être perçu, indépendamment de ses vertus dans le nouvel aménagement du site et dans la politique urbaine, comme un événement formel, par l'historien israélien Elie Barnavi, qui considère que le musée Guggenheim de Bilbao est aujourd’hui une « somptueuse coquille vide » (7) , c’est à dire dont le contenu est faible, sinon inexistant. 

Ce déplacement de l’identité de l’édifice-événement vers sa représentation conduit à questionner la réalité des procédures et des enjeux de la réception. Les exemples abondent. Giulia Mariano étudie dans ce présent ouvrage l’exemple de l’édifice construit pour la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) à Paris ; cet édifice a été par deux fois un événement : au moment de sa construction (Lopez, arch. 1953-1959), puisque les différents acteurs de la réception argumentent la valeur de nouveauté architecturale, urbaine et constructive ; au moment de sa désaffectation puisqu’une forte controverse oppose en 1990 les partisans de sa conservation aux responsables de la CAF qui ont opté pour sa démolition ; dans la forme d’un événement traité comme tel par la presse, s’ensuivent les épisodes exceptionnels de son inscription ISMH, suivie d’une annulation par le tribunal administratif, confirmée par le Conseil d’Etat. 

Quelle que soit la réunion d’édifices remarquables, on voit bien comment se combinent les critères de l’opinion publique et ceux de la critique savante pour définir les édifices–événements : ainsi le centre universitaire de Jussieu, le Centre Georges-Pompidou, l’Arche de la Défense, le viaduc de Calatrava (à Orléans).  Dans une telle accumulation hétéroclite, on perçoit la juxtaposition de la réception locale et de la réception étendue, de la renommée vulgaire et de l’estime des experts, autant de cercles concentriques autour de l’objet de la réception, instrument de sa propre représentation. 

De cette réception diversifiée il en découle que la réception de l’édifice comme événement historique-artistique peut répondre à des critères thématiques spécifiques, relatifs aux capacités nouvelles de l’expertise historique  : l’événement est-il typologique ? ou constructif ?  ou programmatique ?  

Il faudrait admettre que l’édifice-événement est d’abord l’objet de savoirs, avant que ces savoirs alimentent le jugement et la réception.  D’où le constat de pertes et de lacunes : lorsque les savoirs ne sont pas assez constitués, ni assez diffusés, la reconnaissance de l’édifice-événement peut être absente ou, si nous restons optimistes sur la diffusion des savoirs, différée. Voici que je peux mentionner une fois de plus la non-reconnaissance de l’événement typologique que constitue l’université de Brasilia (1960-1962, O. Niemeyer arch.). 


L’édifice, instrument d’événement culturels. 


Tout à fait indépendant de la notion monumentale, et toutefois sans l’exclure, l’édifice destiné  à être l’instrument de l’événement culturel continu ou en série constitue une troisième catégorie d’édifices instruments de l’événement. On y trouve à la fois des monuments historiques adaptés à la production de spectacles (palais des papes d’Avignon, déjà mentionné, théâtre antique d’Orange), et des édifices dont le programme est relatif à des événements, comme les pavillons des expositions universelles. Répond exactement à la définition le bâtiment construit dans le parc d’Ibirapuera, pour la célébration du 400èmeanniversaire de la fondation de Sao-Paulo (1951-1954, devenu le lieu de la Biennale d’art moderne de Sao-Paulo, O. Niemeyer arch.). La présentation d’une collection d’œuvres d’art contemporain dans un édifice historique a valeur d’événement : les musées Picasso dans des édifices historiques, à Antibes et à Paris, la collection de marbres antiques du Capitole dans la Centrale thermique Montemartini, via Ostiense à Rome, la collection du musée d’Art et d’Industrie de Roubaix dans une piscine municipale (8).  

Historiquement, cette catégorie a sa source dans toutes les formes du spectacle vivant, du théâtre, des spectacles sportifs et des jeux du cirque. Cette source antique est à l’origine de la tradition dans le cas de la tauromachie, avec des arènes antiques ou modernes, et dans le cas des spectacles du cirque, présentés sous un chapiteau fixe ou mobile.

Si nous admettons qu’aujourd‘hui les industries du spectacle, devenues des industries du divertissement, transforment le spectateur en consommateur culturel, et que le besoin du renouvellement des produits impose le renouvellement de l’événement attrayant, l’édifice ad-hoc pour chacun des lieux de production des industries du divertissement est destiné à être l’instrument de l’événement. Un événement qui doit s’imposer dans l’espace social, face à la concurrence des instruments technologiques de la consommation culturelle à domicile. Cette offre concerne l’ensemble des édifices spécialisés qui sont les instruments de la production de l’événement concret, hippodromes, salles de concert, stades, théâtres, etc. Notons que dans la période récente, la conception architecturale de la salle de concert, de Scharoun (à Berlin) à Piano (à Rome) assimile l’édifice à un instrument dans la production d’un concert, et donc à un lieu matriciel pour la diffusion des enregistrements.

Aujourd’hui les théâtres, salles d’opéra, auditoriums, palais des congrès, stades, piscines sont les lieux de manifestations disciplinaires qui font l’objet d‘une communication intense, qui dépasse les objectifs économiques de l’activité, qui fixe l’identité de l’édifice et qui a une fonction politique. En effet, cette communication est non seulement à la mesure de leur rôle social, mais elle est aussi nécessaire pour justifier l’investissement du personnel politique et des administrations, ainsi que des budgets, pour le secteur public et aussi pour le secteur privé, dans la production et dans la gestion de l’équipement. Les disciplines de la culture et du sport, organisées selon la logique du spectacle et de son économie, pèsent sur le rapport des institutions avec les équipements et les infrastructures. 

L’actualité nous montre que les musées eux-mêmes deviennent les lieux d’événements (9).  D’abord lorsqu’ils sont confondus avec l’événement, le jour de l’ouverture au public d’un nouveau musée, puis avec les événements d’une exposition temporaire, de l’accrochage d’une nouvelle acquisition, de la conférence d’un expert, de la visite d’un chef d’Etat étranger, d’un concert intégré, et de toutes sortes de manifestations provoquées par l’influence des spécialistes de la communication sur la programmation. Le Grand Palais, dont la réouverture a été un événement, illustre la fréquence du renouvellement des manifestations attractives, autant d’événements dont l’édifice est à la fois l’instrument et l’aura. Il est aujourd’hui enjeu de rivalités pour localiser-abriter-produire des manifestations (Salon des antiquaires, Salon du livre, etc) ; sont alors décisifs le prestige de l’édifice, produit de l’accumulation d’événements et de sa restauration, de la mise en valeur de son architecture et de son emplacement dans la centralité urbaine. Ces valeurs majeures conduisent à minorer les lacunes du confort et de la valeur d’usage.

Parmi les édifices publics récents, le partage entre les équipements qui sont liés à la production de l’événement et les autres devient par conséquent pertinent. Ainsi, aux deux pôles de cette répartition, on trouve les stades, instruments du sport-spectacle, et les bibliothèques, lieux d’un usage d’une intensité constante, à l’écart, la plupart du temps, de tout événement. 

Les disciplines de la culture et du sport, organisées selon la logique du spectacle et de son économie, pèsent sur le rapport des institutions avec les équipements et les infrastructures. En 1980 ainsi, un rapport officiel, Les bibliothèques en France, souligne :


 « Le Ministère des Affaires culturelles, constitué en 1959, est avant tout (…) un Ministère des arts plastiques et des spectacles, à travers les structures privilégiées des grands établissements : grands théâtres, grands musées, Maisons de la Culture, Centre Georges Pompidou, qui sont autant d’institutions « points de mire » : l’espace culturel que privilégie ce ministère était celui de l’événement, il est donc moins à même d’insérer dans ses priorités politiques, à l’intérieur d’un budget faible,  ce qui relève de la pratique culturelle individuelle quotidienne, de la vie d’institutions moyennes réparties sur l’ensemble du territoire, d’innovations sans projecteurs » 


cité par Hélène Caroux, dans son ouvrage à paraître  aux Editions Picard, Architecture et lecture. Les bibliothèques municipales en France 1945-2002, 


Dans cette catégorie, la production de l’événement varie, en quantité et en intensité de façon importante : les usages polyvalents du Palais Omni Sports de Paris-Bercy donne à cet édifice une place dans la production d’événements intenses, multiples et fréquents, tandis que dans le stade Charlety les événements sont l’exception (on note que le fameux meeting politique de juin 1968 a eu lieu dans l’ancien stade, aujourd’hui disparu ; le stade actuel, de notoriété publique sous-utilisé, malgré son architecture exceptionnelle, n’a jusqu’à présent pas contribué à fixer un événement majeur)

Pour les théâtres, salles d’opéra, auditoriums, palais des congrès, stades, piscines, on remarque que les manifestations disciplinaires concernées font l’objet d‘une intense communication, qui dépasse les objectifs économiques de l’activité. Cette communication est à la mesure de leur rôle social, mais est aussi nécessaire pour justifier l’investissement du personnel politique et des administrations, pour le secteur public et aussi pour le secteur privé, dans la production et dans la gestion de l’équipement. Le théâtre des Champs-Elysées dès sa mise en service, conduit à confondre, semble-t-il, sa valeur d’édifice d’avant-garde avec la valeur de rupture des spectacles dont il est l’instrument, et dont  les fameux Ballets russes restent les plus connus. 

Ce rapport entre l’événement et l’édifice détermine des effets considérables. Lorsque l’édifice, qui est le lieu d’événements culturels, est pourvu d’une forte identité architecturale, celle-ci ne résiste pas à l’importance des manifestations qu’il abrite, lorsque ces manifestations se répètent avec intensité. 

Cela était le cas pour le Grand Palais, avec la succession des grands « salons » populaires, Salon de l’auto, Salon des arts ménagers, dont la fréquentation, pour chacun, dépassait largement le million de visiteurs. Le Salon des arts ménagers dans les années 1950 remportait un  succès qui était à la mesure de l’avidité d’un public qui y trouvait, avec les promesses à venir de la consommation de masse, l’antidote de la longue pénurie de l’après-guerre (10). Pour le salon de l’auto, dans les années 1950-1960, l’intérêt pour le cadre bâti, s’effaçait complétement devant la valeur de nouveauté des produits exposés, qui étaient l’événement du jour. On ne peut imaginer aujourd’hui l’intensité de la découverte par le public de la 4 cv Renault, de la 2 cv Citroën, de la DS 19, des modèles dont le dévoilement, au terme d’un processus de secret bien gardé, avait pour cadre passif les nefs du Grand Palais. A la découverte par le public répondait dans les heures qui suivaient la couverture par la presse écrite et par les actualités cinématographiques. Puisque des manifestations de même intensité,  se suivaient dans le même cadre (au salon de l’auto à l’automne succèdait au printemps le salon des arts ménagers) elles engendraient un phénomène de renouvellement des publics. 

Cette question du rapport de l’événement et de l’édifice a des effets culturels importants. Il peut entraîner en effet un affaiblissement de la réception de l’identité architecturale et à un effacement de sa valeur propre ; il se rencontre aujourd’hui avec le Palais Omni-sports de Paris-Bercy (POPB, 1980-1983, Andrault et Parat arch.). Celui-ci, qui peut accueillir 18 000 spectateurs, est l’instrument de la production d’événements et de spectacles  intenses, multiples et fréquents, qui vont du spectacle sportif au théâtre, au one-man show de chanteurs-vedettes, au meeting politique, etc. La gamme des sports représentée est étendue, elle va du football au cyclisme (les Six-Jours de Paris de 1984 à 1989), à la boxe, à l’athlétisme (championnats d’Europe in-door en 1994 et 1997) au hockey sur glace. Avec le POPB, tout se passe comme si l’attrait des manifestations successives, par leur intensité propre comme par leurs différences, entraînait un effacement complet de l’intérêt pour l’édifice, pour son efficacité d’instrument qui s’adapte à la variété des productions, par des configurations de la salle adaptées au spectacle ; tout ce qui dans le fonctionnement de ce bâtiment relève de la performance technique et de l’efficacité de la gestion est l’objet d’une sous-représentation complète, comme si le renouvellement de son dispositif physique, une fois admis, entrait dans la banalité des trains qui arrivent à l’heure.  A plus forte raison, le succès populaire des contenus, et leur relai par les médias, opérent sans aucune reconnaissance de la valeur architecturale d’un édifice dont on ne mentionne jamais le nom des architectes et rarement la place pionnière dans la métamorphose historique du paysage de l’est parisien. Or c’est dans cet édifice que s’accomplit pour la première fois un des buts séculaires du rationalisme et du fonctionnalisme (11) : libérer la conception d’un grand édifice de la tyrannie de la mono-fonction et de la simple disponibilité de l’espace, qui est encore le programme aussi bien du CNIT que du centre Georges-Pompidou.Seul l’accident grave, avec mort d’hommes, semble capable d’intégrer un édifice-instrument de l’événement dans une reconnaissance matérielle concrète ; on l’a constaté, le 5 mai 1992, avec l’effondrement de la tribune du stade de Furiani, construite à  l’occasion d’un événement du sport-spectacle, la demi-finale de la Coupe de France de football ; bilan de l’accident : 18 morts et 2357 blessés. Ce sont les suites judiciaires qui ont ensuite concentré l’attention sur les techniques de construction, sur l’entreprise et sur ses responsables. 

Cette absence de la reconnaissance de la performance technique dans un programme complexe d’édifice-instrument de l’événement est un défi. Médias et politiques pourraient s’interroger sur les gisements d’économie d’investissement, d’espace et d’énergie que recèle cette approche d’une architecture technologique capable à la fois de répondre à des objectifs de développement durable et de proposer le retour à une gestion plus concentrée de l’espace urbain. 


Conclusion


Les édifices, dans leurs rapports à l’événement, ont été longtemps des instruments de la représentation symbolique et des supports de l’information. Le développement rapide des industries du divertissement ouvre un nouveau chapitre : l’édifice peut devenir le rouage principal d’une machine à divertir par des événements, un instrument dont les performances et la gestion mobilisent des enjeux nouveaux dans l’espace et dans la durée : ainsi les controverses récentes sur l’emplacement des nouvelles salle de cinéma, ainsi la réservation anticipée (des mois à l’avance) des places pour les concerts et les spectacles des vedettes du show-bizz, etc.



©Gérard Monnier


Notes


1. Focillon (Henri)., La vie des formes, Paris (1934), 3ème édition 1947, p. 95.

2. Voir la remarquable étude de Loyer (Emmanuelle). et  Baecque (Antoine de), Histoire du Festival d’Avignon, Paris, Gallimard, 2007.

3.  Ou monument non intentionnel (das ungewollte Denkmal), pour reprendre les catégories d’Aloïs Riegl, Le culte moderne des monuments, 1903, trad. française, Paris, Le Seuil, 1984, p. 43.

4. Cf à ce sujet Fogel M. , Les cérémonies de l’information dans la France du XVI ème au XVIII ème siècle, Paris, Fayard, 1989.

5. Cf notre étude, « L’architecture monumentale contemporaine, une question d’histoire ? », Histoire de l’art, nº 27 – octobre 1994, p. 7-17. 

  6. Riegl identifiait le « monument de l’histoire de l’art » (das Kunsthistorische Denkmal),  Ibid. , p. 39. 

7. Selon les propos de l’historien Israélien Elie Barnavi, chargé du musée de l’Europe à Bruxelles, recueillis par Emmanuel de Roux et Jean-Pierre Stroobants à l’occasion de l’exposition ‘C’est notre histoire’, Le Monde, 3 janvier 2008. 

8. La piscine municipale de  Roubaix (1927-1932) est construite par Albert Baert (1863-1951) arch. Elle est fermée en 1985, et reconvertie en musée (1994-2001) par Jean-Paul Philippon arch.

9. Voir le dossier réuni dans Le Débat, « Le moment du Quai Branly », nº 147-novembre-décembre 2007. 

10. Cf Leymonerie (Claire), « Le Salon des Arts ménagers dans les années 1950.  Théâtre d’une conversion à la consommation de masse »,XXº siècle, Revue d’Histoire, nº 91-2006, p. 43-56

11. C’était déjà le choix qui présidait à la conception de la Maison du Peuple - marché couvert de Clichy (1936-1939, E. Beaudouin et M. Lods arch.,  W. Bodiansky, ing.) 

 

 

gdpalais

ill. 1. L'événement : le nettoyage des verrières du Grand Palais

 Métro, 20 février 2008

 

 

calendrier

ill. 2.Le calendrier des "événements à venir" au Grand Palais

 Métro, 20 février 2008

 

 

CirqueSoleil

ill. 3, L'annonce d'un "événement-performance" (sic) au POBP.

 Métro, 20 février 2008

Publié dans Publications & travaux

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