OUVRAGES SOUS PRESSE : “LES ANNÉES DE L’ENTRE-DEUX-GUERRES ET L’ARCHITECTURE”

Publié le par Gérard Monnier

Contribution à l'ouvrage collectif édité par la France-Mutualiste




Chapitre I

LES ANNEES DE L’ENTRE-DEUX-GUERRES ET L’ARCHITECTURE


La période débute par une activité intense : la construction, très ralentie pendant la guerre, dépasse en 1930 de plus de 30 % le niveau de 1913, avant de s’effondrer à partir de 1931. Un moment -clef, et pour l’historien un moment paradoxal. En effet, dans ces années d’après-guerre, la conjoncture et les grands axes de la demande sociale imposent des urgences : la reconstruction des régions dévastées, la question de l’urbanisme, préoccupation toute nouvellle, stimulée par la crise des banlieues pauvres et par le début de la motorisation individuelle,  la mise en route du logement social. Pour leur part, les pouvoirs publics amorcent le nouveau régime de leurs interventions sur l’espace : création des offices publics d’Habitations à Bon Marché (HBM), obligation des villes de se doter d’un plan d’aménagement et d’extension (loi Cornudet, 1919-1924),  premiers projets d’autoroutes (plan Prost, 1934).  

Or  dans une large mesure, l’architecture qui compte à ce moment, ou si on veut l’architecture qui fait date, opère dans des catégories tout à fait différentes, comme  l’interprétation architecturale de la construction  en ciment armé, et la réponse à la demande de modernité dans l’habitat chic. Et ces innovations ont leur territoire , celui de la périphérie des agglomérations, qui accueille 92 % des immeubles d’habitation entre 1914 et 1940, et bon nombre d’équipements. En outre, toutes sortes de dispositifs procurent aux professionnels l’occasion de montrer ou de représenter leurs derniers travaux : trois grandes manifestations en vraie grandeur à Paris, le chantier de la Cité universitaire internationale, boulevard Jourdan, entre 1925 et 1940, l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes en 1925, et en 1937, l’Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne ; s’ajoutent les puissants outils de la diffusion et de la confrontation que sont les nouvelles revues illustrées, L’architecture vivante, L’architecture d’aujourd’hui. 

Prises dans leur ensemble, toutes ces données alimentent un profond renouvellement de l’architecture, dans ses techniques, dans ses programmes, et dans ses expressions : l’activité d’architecture se met à l’heure de la modernité.

Remarquons-le au passage : aucune des nouvelles catégories de la demande ne répond à la formation des architectes par l’école des Beaux-arts, où domine l’étude de projets nobles, c’est à dire d’édifices publics monumentaux. D’où d’étranges anachronismes, dans plusieurs édifices monumentaux du moment, comme la gare de Limoges, le Cercle militaire à Paris ; la  modernité accuse avec force leur désuétude. 


 L’actualité des techniques


Abandonnons la notion trop fruste du remplacement des techniques traditionnelles par les nouvelles. Les maçonneries de pierre et de brique subsistent, et se renouvellent elles-mêmes : la brique de parement complète les constructions de béton armé, le  placage de pierre trouve sa place dans les programmes monumentaux.

Dans la construction à ossature métallique, si développée dans les ouvrages d’art de la fin du XIXº siècle,  le soudage remplace le rivetage ; à l’échelle de petits bâtiments, le pliage de la tôle mince ouvre des voies nouvelles à la construction en acier, qui s’impose dans le second œuvre, dans les menuiseries métalliques, et dans le mobilier de bureau ; ce qu’illustrent les activités de Jean Prouvé, constructeur passionné, dont la capacité à collaborer avec les architectes les plus innovants lui ouvre beaucoup de portes. De nouvelles entreprises s’engagent dans la construction industrielle de fournitures en acier pour le bâtiment.  Schwartz-Haumont, née en 1919 des besoins de la reconstruction dans le Nord, oriente son activité dans la fabrication de menuiseries métalliques de type nouveau, qui lui donne la prééminence dans le second œuvre adapté aux bâtiments modernes. L‘entreprise créée dans le Jura par Ferdinand Fillod propose des constructions à structure métallique (brevets en 1928), une démarche qui débouche, à partir de 1930, sur la préfabrication de maisons d’habitation et d’équipements, conduite dans les usines de la Société de Wendel à Florange, dont les architectes construisent en acier une église à Crusnes (Meurthe-et-Moselle, 1937-1939).

L’expansion de la construction en béton armé a plusieurs aspects. Pour la conception des ouvrages d’art, la précontrainte de la poutre en béton armé, inventée par l’ingénieur Eugène Freyssinet, améliore ses performances mécaniques et permet de rivaliser avec la construction en acier. La généralisation des procédés de la construction de bâtiments à ossature de béton armé s’accompagne de leur assimilation complète dans la conception du projet architectural ; signe de la profondeur du phénomène, des constructeurs professionnels mettent leur compétence, acquise dans l’entreprise, au service d’une démarche qui inspire la création du style architectural moderne. Ainsi Auguste Perret  et ses frères imposent dans les années 1920 une conception de l’ossature de piliers et de poutres apparente, traitent le béton comme un matériau minéral, jouant sur le choix des agrégats et sur leur mise en valeur (le béton bouchardé) et l’adaptent à des programmes variés : architecture sacrée (église du Raincy, la « Sainte-chapelle du béton armé », 1922-1923), édifices industriels, immeubles d’habitation ; la mise en évidence de la structure aboutit à un renouvellement de l’ordonnance classique, et nourrit l’architecture monumentale des édifices publics (garde-meuble, et  palais d’Iéna, 1937)

Cette création d’un grand style connaît un incontestable succès dans l’espace, en France (hôtel des postes à Reims, François Le Cœur arch., 1925, hôpital à Colmar, Vetter arch., 1938-1939) et aussi à l’étranger (université de Fribourg, Denis Honegger arch. 1939-1941) ; c’est un succès durable, puisque ce sera le principal style de la reconstruction (Amiens, Le Havre, après 1945). 

Toute autre est la recherche d’une esthétique de la construction enduite, qui masque et unifie l’ossature de béton armé et le remplissage des parois. Cette démarche ouvre la voie à une épuration radicale du dessin, à la suppression de toute la modénature, de toute ornementation ; elle met en évidence la liberté des percements, la pureté des volumes et des surfaces sous la lumière, elle ouvre la voie à une polychromie neuve, indépendante des matériaux de construction. Bref, elle permet d’affranchir le projet architectural du poids des traditions de l’apparence du système constructif, elle propose des passerelles aussi bien avec l’architecture primitive du monde méditerranéen qu’avec les premiers pas de l’univers cosmopolite du design industriel des objets manufacturés.  

C’est toute la portée que les architectes de l’avant-garde donnent à cette construction enduite ; elle est la base d’une démarche - toits plats, parois lisses, pilotis, dalles saillantes -  consacrée aussi bien par les commandes privées de maisons de ville et de villas, que par les boutiques des quartiers chics, les façades des cinémas et des garages ; elle entre dans le monde imaginaire par la photographie en noir et blanc, qui alimente les nouveaux magazines illustrés. Sa portée culturelle est large, puisque, en abolissant l’ostentation des matériaux riches et ouvragés, elle supprime une des principales frontières entre construction modeste et édifice luxueux. Elle est enfin à la base d’une stylistique de la modernité, aussi bien du style art déco que du style international.  


Les nouveaux programmes


Dans plusieurs domaines, santé, transports, industrie et commerce, loisirs, la demande  de nouvelles catégories d’édifices se fait jour. La plupart se prêtent à des architectures innovantes, quelquefois audacieuses. Dans celui de la santé, l’architecture des hôpitaux, après avoir consacré le type pavillonnaire,  amorce le partage en volumes distincts des services de soins et des espaces hôteliers (dans des tours ou des barres (projet pour la Cité hospitalière de Lille, Paul Nelson arch., 1931, et hôpital Beaujon à Clichy, Jean Walter et Urbain Cassan, arch., 1935). La lutte contre la tuberculose conduit à adopter la typologie du sanatorium d’altitude, sur un modèle élaboré en Suisse et en Allemagne ; dans l’ensemble construit sur le plateau d’Assy (1928-1936), se détachent les sanatoriums des architectes Pol Abraham et Jacques Le Même. Répondant à un programme de prévention sanitaire, l’école en plein air de Suresnes (1931-1935), construite sur le projet des architectes Eugène Beaudoin et Marcel Lods, multiplie les innovations, dans l’ordre typologique (des salles de classe isolées, reliées par des galeries couvertes), technique (construction en béton armé, second œuvre en acier pour des parois ouvrantes de métal et de verre).  Pour les transports, dans la construction de gares nouvelles le béton armé se substitue au métal : gares de Reims (1932), du Havre (1931); leur style s’écarte des formes monumentales de l’architecture éclectique, dont les dernières manifestations deviennent obsolètes (gare de Limoges, projet 1917, réalisation 1925-1929). Dans la gare de Versailles-Chantiers, les auvents des abris de quai se substituent aux grandes halles en métal. Les premières aérogares (Bordeaux-Mérignac, 1929-1935, Le Bourget, 1936-1937), les usines d’aviation (à Châteauroux, 1936-1937) marquent les débuts de l’architecture de l’aviation. Le long des routes, s’amorce la mise au point de bâtiments adaptés et attractifs, les stations-service. 

Pour les grands barrages de la production hydro-électrique, des formes inédites permettent d’inscrire les masses de béton dans la morphologie des sites, ouvrant la voie à une nouvelle et authentique esthétique industrielle. Boutiques et grands magasins s’écartent des normes traditionnelles du luxe, adoptent des formes cohérentes avec de nouvelles méthodes de vente : le métal et le verre font l’apologie de la transparence et de la modernité (grands magasins Decré à Nantes, Henri Sauvage arch., 1931). La vision nocturne des magasins et des salles de cinéma est bouleversée par une nouvelle conception de l‘éclairage électrique (salles Cinéac, entre 1931 et 1939). 

Pour l’architecture des stades nécessaires aux manifestations du sport-spectacle, les gradins, puis les auvents, se prêtent aux recherches des architectes (stade Gerland, à Lyon, Tony Garnier arch., 1913-1926). L’architecture des bassins de natation et des piscines couvertes adoptent des formes qui soulignent la modernité de ces équipements urbains.   


Une expression forte de la modernité : l’architecture de l’habitat


C’est dans l’élaboration de l’habitat que s’opère la rencontre entre la demande sociale et l’ardeur des architectes. Depuis la fin du XIXº siècle, l’architecture de l’habitat a donc un grand essor, tributaire de l’intense demande que suscite l’urbanisation des périphéries urbaines et de l’ensemble des grandes agglomérations ; elle est riche d’un large potentiel d’innovations. Dès les années 1900, les débuts d’une réflexion sur le logement collectif, et le programme de la villa bourgeoise dans un lotissement, ont conduit les architectes à s’investir dans ces recherches, dont Tony Garnier – l’étude d’une Cité industrielle date de 1904 – et Hector Guimard sont les chefs de file. Pour la génération suivante, les projets sur l’habitat sont la clef de l’activité professionnelle, et pour certains, un levier pour une nouvelle théorie de l’architecture. Avec son décor sculpté compliqué, son équipement de confort limité, l'habitat apparaît après 1918 comme un gisement de retards et d'archaïsmes. Les nouvelles valeurs d'usage (le confort, l'hygiène) stimulent l'installation des techniques récentes dans un espace bâti de type nouveau : éclairage électrique, circulation des fluides, nouveaux modes de chauffage, dispositifs de communication à distance. L’entrée en scène du machinisme domestique – le salon des Arts ménagers est créé en 1923 - déplace la question de la qualité et de l'innovation, de la sphère des matériaux et des styles, vers celle d'un équipement  plus ou moins perfectionné.


"Lumière électrique, chauffage central, téléphone, ascenseur, vacuum cleaner, monte charge, ciment armé,, autant d'éléments qui ont bouleversé les méthodes de construction de nos habitations. Le plan se modifie, les formes se créent. Les maisons de rapport, les édifices publics, les habitations ouvrières, les plus riches villas seront, dans l'avenir, conçus avec le même esprit que les usines". Robert Mallet-Stevens, La Gazette des sept arts, Paris, 1929.


L’évolution de l’immeuble de rapport, dans le cadre stable du parcellaire haussmannien, sera limitée ; de belles mises au point sont effectuées dans les beaux quartiers par Michel Roux-Spitz, Auguste Perret, Jean Walter et leurs émules. Le décor plastique est réduit, les étages élevés sont traités avec des terrasses, des garages sont établis en sous-sol. 

  Plus dynamique, le programme de la villa et de la maison de ville, au début des années 1920, reconnaît mieux les nouvelles données : il fait davantage place à de nouvelles pratiques, il est disponible pour une expression en phase avec l’actualité artistique. Ainsi, l’attrait qu’exercent sur la classe aisée  l’automobile individuelle, la pratique du sport, et un nouveau rapport au plein air ,vont qualifier une demande le plus souvent implicite, que le projet doit satisfaire. 

Tout commence par la transformation de ses volumes. A l’extérieur, marquant une forte rupture avec les types traditionnels, classiques ou néo régionalistes,  le toit-terrasse écarte l'emphase des combles, les élévations ne sont plus les éléments d'une hiérarchie (plus de "façade principale"),  les nouvelles baies ne dessinent plus des travées.  A l’intérieur, des plans ouverts et libres stimulent la mobilité dans l’espace de l’habitation, qui devient le lieu d’une expérience esthétique, appuyée sur les transparences, les effets de lumière, une relation que met en valeur la photographie noir et blanc du moment. Les critères du luxe se déplacent vers cette qualification des espaces, s'écartent des matériaux traditionnels, autrefois révélés par l'abondance et le raffinement du décor. La qualité de la valeur d'usage, la commodité des espaces pratiques, la générosité des éclairements deviennent des axes de travail dans le projet, une démarche équilibrée par la mise au point d’une nouvelle esthétique de l'espace quotidien, indépendante des références historiques. Ces propositions rencontrent une forte audience auprès de nombreuses personnalités cultivées, en contact plus ou moins étroit avec le monde de l’art,  et qui attendaient dans l'architecture une rupture équivalente à celle du cubisme dans les arts visuels. 

La commande de personnalités en vue va contribuer au succès des premières réalisations d’une nouvelle génération d’architectes, qui vont s’imposer comme chefs de file gràce à ce programme. La première villa construite par Mallet-Stevens est à Hyères, pour le vicomte Charles de Noailles (entre 1924 et 1933) : les intérieurs sont raffinés : ainsi le vitrage néo-plastique du salon (réalisé par Barillet). Collaborent à ce chantier le peintre Théo Van Doesburg, le décorateur Pierre Chareau ;  Guévrékian dessine le jardin cubiste.  Mallet-Stevens travaille ensuite au projet d’une villa  pour Jacques Doucet (1924, non réalisée),  à la villa construite pour Paul Poiret, à Mézy (1924-1930), à l’hôtel Collinet à Boulogne (1925), aux constructions de la rue Mallet-Stevens (1924-1927) ; la grande villa Cavroix, construite à Croix (près Roubaix,  1931-1932), habillée d'un parement de briques claires (sur le modèle de l'hôtel de ville d'Hilversum, de l'architecte Dudok) est l'aboutissement de ses recherches. Les premiers chantiers conduits à Paris par Le Corbusier sont ceux de l’atelier du peintre Ozenfant (1923) et de la « villa La Roche » (1925), pour un banquier collectionneur d‘art moderne. Pour cette maison de ville,  l’architecte met l'accent sur l'importance et l’articulation entre eux des vides du volume interne,  hall, escaliers, rampe en pente douce, balcons intérieurs. Il crée une nouvelle distribution des espaces utiles, reliés par des itinéraires multiples, permettant des points de vue variés sur l'espace extérieur et intérieur. Elle justifie la notion nouvelle de la "promenade architecturale". Avec d’autres contraintes, il développe ce thème dans ses autres maisons de ville à Boulogne (villa Cook), à Paris (atelier Planeix) et dans ses grandes villas, Stein-de Monzie à Garches, Church à Ville d’Avray.  Dans la villa Savoye (à Poissy, 1929-1931), le volume à trois niveaux : le premier abrite le dispositif d'accès en automobile, avec tous ses compléments (garage pour trois voitures), le second niveau est celui de l’habitation, le troisième celui d’un solarium. Dans cette maison de week-end, les activités sont polarisées par la place donnée à la détente sur des terrasses ouvertes et abritées. Les arguments de l'espace domestique moderne sont clairement exposés : la fluidité voulue des circulations, par escalier et par rampe, la clarté des nouveaux dispositifs architecturaux (toit-terrasse, séquence de pilotis, fenêtres horizontales continues). Pierre Chareau, pour le docteur Dalsace, réalise en sous-œuvre d’une construction existante l’étonnante « Maison de verre » (avec  Bijvoet, 1927-1928). Largement répandues par la photographie et les publications internationales au début des années trente, les images de la villa Savoye et de la « Maison de verre » établissent les références du nouveau luxe domestique. 

Ces réalisations ne passent pas inaperçues : les travaux de Le Corbusier sont dès 1924 publiés dans la revueL’architecture vivante, et mis sur le même plan que les réalisations hollandaises ou allemandes. L’inauguration des villas de la rue Mallet-Stevens, le 20 juillet 1927, est un événement, officiel et mondain, où se presse le tout-Paris, et qu’enregistrent les Actualités Gaumont.  L'édition aidant, les images des "villas modernes" se fixent et se diffusent, entre 1920 et 1940, et prennent la valeur d'un manifeste pour une "architecture d'avant-garde". Et pour la modernité : de nombreuses publications mettent l’accent sur le rapport étroit de l’architecture domestique avec une « auto », instrument attrayant, qui évoque alors toutes les promesses d’un machinisme désirable. Dans une villa construite en 1929 par Pierre Barbe à Sanary (Var), une aile abrite le garage pour deux voitures ;  dès la fin du chantier, une photographie montre un cabriolet  Ford, à demi sorti de son abri, un instrument vivant, qui tranche avec la sobriété abstraite du bâtiment. La photographie de la villa Stein fait une place de choix à la voiture de l’architecte, une Voisin.  


L’architecture experimentale du logement social 


Comme un peu partout en Europe du nord,  la plupart des efforts en direction du logement social stimulent la rationalisation du projet et de la construction, et donc les innovations architecturales ; une nouvelle génération de maîtres d'ouvrage prend des initiatives qui s’écartent des conventions. Dans leurs lotissements, les meilleurs promoteurs privés suivent  le modèle pavillonnaire de la cité-jardin (cité du Chemin-vert à Reims, projet en 1920, cité de Tergnier, projet en 1921). Le suivent aussi, dans un premier temps,  les offices publics d’habitation à bon marché, créés en application de la loi Bonnevay (1912), en l’adaptant à de petits immeubles collectifs ; ainsi pour la cité-jardin de Stains (OPHBM de la Seine, projet 1920).  Ce modèle évolue sous la pression des coûts de construction, et au début des années 1930 les formes plus modernes de la barre et de la tour sont, à l’initiative des élus locaux, bel et bien admises : cité de la Muette à Drancy (Beaudouin et Lods arch. 1931-1934), cité de la Butte-rouge à Chatenay-Malabry (Bassompierre et associés, 1931-1939) , cité des Gratte-ciel à Villeurbanne (Morice Leroux arch., 1930-1934) ; sur ces chantiers, les nouvelles ressources techniques sont mobilisées pour la construction (préfabrication, construction à ossature d’acier ou de béton),et pour le confort (chauffage central collectif, salles d’eau, ascenseur). Ces expériences esquissent les choix typologiques et techniques des années 1950 et 1960.  

De leur côté, des architectes cherchent à théoriser ces choix. Le Corbusier, après l’expérience malheureuse du lotissement de Pessac (1925), application mal conduite de ses études de maison en série, se détourne de ces formules au profit d’une réflexion sur l’organisation de l’habitat collectif. Après l’immeuble-villas (1922), les barres à redents du plan Voisin (1925), les études pour Zurich et pour Nemours (Algérie) sont les étapes qui débouchent sur la mise au point de la « Ville radieuse » en 1935. La typologie se fixe sur des immeubles sur pilotis, des appartements en duplex traversants, desservis par des rues intérieures, qui préfigurent l’Unité d’habitation de Marseille (1946-1952).   

L’avant-garde, qui rejoint ici la demande sociale et qui anticipe la commande publique, notons-le, étend ses recherches à la question urbaine, dans une grande connivence avec les travaux des architectes de la plupart des pays européens. A l’occasion du 4º Congrès international des architectes modernes (CIAM), réuni à Athènes, en 1933, les principes de l’urbanisme moderne sont adoptés ; ils se fondent sur une séparation des fonctions dans l’espace : habiter, travailler, se recréer, circuler. Ils sont rédigés dans un texte fondateur, la Charte d’Athènes(publié en 1942), qui inspirera peu ou prou la plupart des opérations urbaines des années 1950 et 1960. 


©Gérard Monnier

Publié dans Publications & travaux

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