PRÉFACE : MÉMOIRES D’USINES.

Publié le par Gérard Monnier

Mémoires d'usines. Mémoires ouvrières, Archives départementales de Seine-Saint-Denis, nº 22-décembre 2005, p. 1


G. monnier : Le logement social en Seine-Saint-Denis


Depuis que la révolution industrielle pose la question du logement des ouvriers, le logement social a une histoire. Aux initiatives des patrons succèdent celles des philantropes, qui sont à l’origine d’une politique d’assistance aux travailleurs, en les distinguant des plus pauvres, qui relèvent du secours aux indigents ; tout au long du XIXº siècle, le logement des travailleurs relève d’organismes privés. Il faut attendre le vote d’une loi pour que les réponses se développent avec l’appui de l’Etat dans le secteur public : la loi Siegfried, en 1894, fixe les règles du financement public des Habitations à Bon Marché. En 1906 et 1912, les lois Strauss et Bonnevay font des collectivités territoriales les partenaires de la conception et de la production des HBM, puis des HLM ; ceux-ci seront, jusqu’aux années 1975, au cœur de l’activité de construction en France. Le logement social est alors un des principaux moteurs  du mouvement d’intégration des populations du monde du travail et des services à une très large “société salariale” (R. Castel).

Avec une conséquence : pendant plus de trois-quart de siècle, c’est pour le logement social que sont écrites en France les principales pages de l’histoire de l’architecture. Le logement social qui stimule le projet des maîtres d’ouvrages et des architectes, il est au cœur de la rationalisation des plans du logement, de l’application des critères d’hygiène et de confort, de l’industrialisation de la construction, de l’invention de types nouveaux (la barre et la tour), de leur implantation dans de nouveaux sites, et donc de la métamorphose des paysages urbains et suburbains. Et toute une culture moderne de l’habitat et des “arts ménagers” s’inscrit alors dans ses réalisations, ponctuées par toutes sortes de notions neuves :  “la cité-jardin”, “la cité”, “la salle de séjour”, “le séjour” et “la loggia”.   

Le département de la Seine-Saint-Denis concentre les réalisations les plus marquantes du logement social en Ile-de-France. On y trouve les édifices majeurs des chefs de file de l’architecture du logement social. La production du logement social y a été un enjeu politique majeur pour les municipalités de gauche.  Pour bon nombre des agglomérations de ce département, écartelées par leurs implantations industrielles, leur dimension urbaine est inséparable de l’architecture du logement social. 

La crise sociale des dernières années et l’évaporation d’une société de plein emploi sont des obstacles sur le chemin d’une réflexion sur ce qu’a été et ce que peut être encore le logement social et ses enjeux ; d’où le besoin de cette approche historique, destinée à tous ceux qui ne se résignent pas à voir dans les cités une faillite de la mémoire. 



©Gérard Monnier

Publié dans Publications & travaux

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article